Les conduites suicidaires

 Le suicide constitue aujourd’hui un problème majeur de Santé Publique. Bien que le suicide soit un geste individuel, il s’inscrit dans un contexte plus large d’interactions entre la personne, sa communauté immédiate et la société en général. La qualité de vie de la personne, son réseau social, ainsi que la disponibilité des ressources lorsque celle-ci a besoin d’aide, ont une influence sur cette situation de détresse. Ce qui fait qu’une personne ne voit plus de solution à ses problèmes, ce n’est habituellement pas le problème en soi, mais bien la perception qu’elle a du problème.

Qu’est ce que les conduites suicidaires ?

Pendant longtemps, on a défini le suicide comme la mort résultant directement ou indirectement de la victime qui savait qu’elle allait se suicider ; on considérait le suicide comme un acte conscient et rationnel. Mais cette définition ne tient plus car beaucoup de personnes commettent beaucoup d’actes suicidaires sans qu’il n’y ait une véritable intention de mourir (Exemple : prendre plusieurs comprimés de tranquillisants parce que la personne ne supporte plus les sentiments d’angoisse et les sensations corporelles qui en découlent ce qui peut accidentellement provoquer sa mort !!!).

Les conduites suicidaires regroupent plusieurs entités cliniques multiples et hétérogènes. En général, nous distinguons, le sujet suicidaire qui présente des idées suicidaires
et qui risque donc d’attenter à sa propre vie.
Le sujet suicidant qui commet un acte suicidaire qui n’aboutit pas au décès (tentative de suicide) ou encore celui qui commet un comportement auto-agressif à finalité plus ou moins suicidaire. Le sujet suicidé est la personne décédée par suicide. Et enfin, la crise suicidaire qui correspond à la période où le patient présente un risque suicidaire élevé. Les causes peuvent être multiples : contexte socio-environnemental, pathologie psychiatrique et/ou somatique associée ou sous-jacente… Le patient pense être dans une impasse, il est envahi par des idées suicidaires et pense que le suicide est la seule issue possible.

Il convient également de reconnaître les équivalents suicidaires qui correspondent à des conduites ou à des comportements où la prise de risque est importante même sans intention suicidaire exprimée (refus alimentaire persistant, intoxication alcoolique ou tabagique malgré l’interdiction médicale stricte, conduite automobile dangereuse…).

Enfin, il est important à noter que les récidives suicidaires sont fréquentes, 43% de ceux qui ont fait une tentative de suicide en referont une autre, dont la moitié dans l’année qui suit le premier geste. On estime, par ailleurs, que 4 tentatives sur 10 sont des récidives. 1 à 10% de ceux qui font une ou des tentatives décèderont par suicide dans un temps plus ou moins proche.

Quelles sont les données épidémiologiques ?

Le suicide est un phénomène qui, à des degrés divers, affecte tous les groupes d’âges et toutes les classes sociales.

Dans le monde, l’épidémiologie du suicide est très variable selon les pays, et parfois même entre communautés différentes dans un même pays. Les tentatives de suicide sont beaucoup plus fréquentes, mais leur nombre est très difficile à évaluer.

  • Le suicide augmente fortement avec l’âge, surtout chez l’homme et surtout après 75 ans.

  • 6% des suicides surviennent entre 15 et 24 ans,

  • 66% entre 25 et 64 ans

  • 28% chez les personnes âgées (> 65ans)

  • Chez les adultes jeunes (25-34 ans) le suicide est la première cause de mortalité

  • Chez les adolescents, il représente la 2ème cause de mortalité (16%), après les accidents de la circulation (38%)

  • Le suicide est considéré comme exceptionnel chez l’enfant (avant la puberté).

Avoir des idées de suicide peut arriver à tout le monde, mais qu’est-ce qui fait qu’une personne décide de se suicider ?

Tout le monde est confronté un jour ou l’autre à la souffrance. En effet, la douleur, comme le bonheur, font partie de la vie. Cependant, derrière la détresse que la personne vit se cache une histoire de vie dont on doit tenir compte. Lorsque l’on parle de suicide, il est important de retenir qu’il n’y a pas une cause qui y mène, mais un ensemble d’éléments. L’histoire de vie de chaque personne fait en sorte qu’elle possède plus ou moins les outils pour faire face à une difficulté particulière. Développer et entretenir de saines habitudes de vie et tendre vers un équilibre permettent d’être mieux outillé pour faire face aux périodes difficiles de la vie.

Un moment critique

Il arrive qu’un événement survienne et déstabilise la personne déclenchant ainsi un déséquilibre (ex. : une peine d’amour, un échec scolaire, une période difficile au travail, un deuil, des difficultés financières, etc…). Lorsque la personne rencontre des difficultés, elle tente de passer à travers de différentes façons, par différents moyens émanant de ses ressources personnelles. Trouver les moyens qui fonctionnent peut prendre un certain temps d’autant plus que la personne concernée est souvent prise par ses émotions négatives et ses distorsions cognitives provoquées par l’évènement ce qui ralentirait ses capacités de résolution de problème.

Facultés affaiblies

Quand les moyens identifiés par la personne en détresse ne suffisent plus à faire diminuer sa souffrance ou bien ils ne sont pas adaptés à sa situation. La personne n’arrive alors plus à gérer sa détresse. Elle a fait le tour de ses ressources personnelles et a épuisé tous les moyens qu’elle voyait à sa disposition. Dans ce cas, il arrive que la personne se sente davantage envahie par ses difficultés, par sa souffrance. La personne en détresse se retrouve avec les facultés affaiblies par sa souffrance. Par conséquent, cette dernière l’empêche de réfléchir clairement sur sa situation. Par ailleurs, ne sachant plus comment se sortir de cette situation, elle cherche désespérément un moyen pour faire diminuer sa détresse, pour cesser de souffrir. En s’aidant par un intervenant professionnel (médecin, psychiatre, psychologue, travailleur social, etc.), la résolution de la difficulté peut être plus rapide en aidant la personne en souffrance à clarifier la situation problématique et à mieux identifier les moyens qui conviennent le plus pour gérer cette situation.

Idées suicidaires = signal d’alarme

Si des idées suicidaires surviennent, même brièvement, cela constitue un signal d’alarme. Ce signal d’alarme signifie une détresse psychologique grandissante, que les moyens habituels pour gérer les difficultés ne suffisent plus et que le suicide est en train de se présenter comme une solution ultime pour cesser la souffrance.  Ce signal d’alarme doit être pris toujours au sérieux. L’aide extérieure professionnelle devient nécessaire et assez urgente.

Le processus suicidaire est réversible

C’est-à-dire que lorsqu’une personne trouve une solution à ses problèmes, elle diminue sa souffrance. Par conséquent, ses idées suicidaires sont de moins en moins présentes.

Comment l’entourage peut-il aider ?

Une personne en détresse ayant des idées suicidaires a besoin d’aide. La première façon d’aider, c’est de l’encourager à contacter un professionnel pour bénéficier de moyens spécifiques visant à réduire le risque suicidaire. En cas de désistement, l’entourage proche d’une personne en crise suicidaire peut faire recours aux professionnels afin d’être conseillé sur la conduite à adopter face à cette situation.

Comment s’aider soi-même ?

Vous ne vous sentez pas bien? Vous avez perdu vos repères? Vous avez de la difficulté à y voir clair? Ne restez pas seul.

Il est possible de ressentir de la honte à demander de l’aide, mais c’est une force de le faire. Demander de l’aide est une compétence et non pas une attitude de faiblesse. Vous n’avez pas à toucher le fond pour se faire aider. Le simple fait que vous vous questionniez est probablement une bonne raison de vous faire aider. Les professionnels seront en mesure de vous écouter pour bien comprendre votre situation et trouver, avec vous, des moyens de rendre votre situation moins souffrante.

Si vous hésitez à prendre ce pas, vous pouvez toujours demander à un proche de faire le premier contact avec un professionnel. Ce qui compte, c’est de sortir de votre silence et de vous ouvrir à une aide extérieure.

DR. Amel BRAHAM